Le statut des îles Svalbard a été décidé le 9 février 1920, avec la signature du Traité de Paris par les représentants des États-Unis, de la Grande-Bretagne, du Danemark, de la France, de l’Italie, du Japon, des Pays-Bas et de la Suède.
Le Traité reconnaît la pleine souveraineté de la Norvège sur l’archipel du Spitsberg et l’île de l’Ours. Il reconnaît également aux navires et ressortissants des parties contractantes au Traité le droit de pêche et de chasse dans ces îles et leurs eaux territoriales, la Norvège étant chargée de prendre les mesures permettant d’assurer la conservation et la reconstitution de la faune et de la flore dans ces îles (article 2). Une liberté d’accès et de relâche ainsi que d’exploitation industrielle et minière leur est également reconnue sous réserve du respect des lois et règlements. Les impôts, taxes et droits perçus devront être consacrés exclusivement à la région telle que définie dans le statut.
La loi du Svalbard a été promulguée en juillet 1925. Les droits privé et pénal norvégiens s’appliquent au Svalbard ainsi que les procédures. Le texte prévoit les domaines de compétence de la Norvège qui comprennent en particulier la navigation maritime, l’aviation, la propriété industrielle, les activités minières, la chasse, la pêche et les autres activités économiques…
Le Svalbard est administré par un gouverneur qui a l’autorité d’un préfet. Il est aussi chef de police, notaire public et magistrat auxiliaire en première instance. Il existe également un règlement minier pour l’exploitation des gisements de houille, d’huiles minérales et d’autres substances minérales. Les droits de recherche, d’acquisition et d’exploitation des gisements appartiennent à l’État norvégien et aux nationaux des États ayant ratifié ou adhéré au Traité ainsi qu’aux sociétés domiciliées dans l’un de ces États. Un exercice de lutte contre la pollution par hydrocarbures est planifié du 27 au 29 septembre 2016.
Aujourd’hui, l’archipel compte environ 2 600 habitants, principalement installés dans sa capitale, Longyearbyen, mais aussi dans diverses implantations comme Ny-Ålesund (le village scientifique international) ou les villes russes de Barentsburg et Pyramiden. Dix pays ont aujourd’hui des équipes scientifiques au Svalbard : six pays européens – Norvège, Allemagne, France, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni –, et quatre pays d’Asie – Chine, Corée du Sud, Inde et Japon. Les Chinois se mêlent peu aux autres scientifiques ce qui suscite des interrogations sur leurs motivations. La France et l’Allemagne ont mis en commun leurs moyens depuis une vingtaine d’années. Leurs installations sont regroupées sous l’acronyme d’AWIPEV1AWIPEV – Alfred Wegener Institute et Institut polaire français Paul Émile Victor. et comptent trois permanents. Les recherches portent sur la météorologie, la biologie marine, la glaciologie et l’étude d’analogie avec des photos de la planète Mars. L’activité minière est désormais résiduelle, mais, outre les activités de recherche et celles liées à la pêche, il convient de signaler que, depuis 2008, le Svalbard accueille dans un abri souterrain un dépôt mondial de semences, le Svalbard Global Seed Vault, destiné à assurer la conservation de la biodiversité lors des pires catastrophes éventuelles (naturelles, technologiques ou militaires) et, plus simplement, la standardisation des cultures et le changement climatique. Près de 860 000 échantillons de 4 000 espèces différentes ont été entreposés. Fin 2015, des scientifiques syriens ont récupéré certains de leurs dépôts pour reconstituer une banque de semences ravagée par la guerre.
La zone maritime représente une superficie de 800 000 km2. Un différend existe entre la Norvège et les autres pays parties du Traité. Oslo considère que les droits des autres pays, signataires du Traité, ne s’appliquent pas dans la ZEE, mais uniquement sur les activités terrestres et dans la zone des 12 nautiques correspondant aux eaux territoriales, au prétexte que le concept de ZEE n’existait pas en 1920. La démarche d’Oslo n’est guère soutenue et fait l’objet d’une offensive juridique de la part du Royaume Uni avec le soutien des États-Unis.
Le différend concerne pour l’instant la pêche et de nombreuses protestations des pêcheurs européens ont été déposées auprès du Parlement et de la Commission européenne en raison de la discrimination dont ils s’estiment l’objet de la part des autorités norvégiennes. Celles-ci ont établi, en 1977, une Zone de Protection de la Pêche (ZPP) autour du Svalbard qui s’étend au-delà des eaux territoriales et jusqu’à 200 nautiques, sans pour autant définir les limites de la ZEE (cf. paragraphe précédent). Pour la Norvège, le principe de non-discrimination ne s’applique pas dans la ZPP et elle s’estime libre de fixer les quotas comme elle l’entend. À titre d’exemple, pour le flétan noir, en 2009, 96 % du quota fut attribué à la Russie et à la Norvège, ne laissant que 4 % aux pêcheurs des autres pays2Quota de 15 000 tonnes réparti entre Norvège 7 650 tonnes, Russie 6 750 tonnes et autres 600 tonnes.. Le quota s’élève à 15 % pour l’églefin en considérant que ce sont des prises accessoires et non ciblées.
Plusieurs différends, portés devant les tribunaux norvégiens, ont opposé la Norvège et des affréteurs ou propriétaires de chalutiers verbalisés (de pavillon non norvégien et… non russe) dans la ZPP. Mais ces tribunaux n’ont pas considéré ces contrôles et arraisonnements comme discriminatoires, ou qu’il incombait à des États de contester ces mesures, et donc les droits que s’arroge la Norvège, devant la Cour de justice internationale.
Figure n°1 : Pays ayant ratifié le Traité de Paris
États parties | Ratification
Adhésion (A) / Déclaration de succession (S) |
Entrée en vigueur | ||
Afghanistan | 23 novembre | 1925 A | 23 novembre | 1925 |
Afrique du Sud | 29 décembre | 1923 | 14 août | 1925 |
Albanie | 29 avril | 1930 A | 29 avril | 1930 |
Allemagne | 16 novembre | 1925 A | 16 novembre | 1925 |
Arabie Saoudite | 14 août | 1925 A | 14 août | 1925 |
Argentine | 6 mai | 1927 A | 6 mai | 1927 |
Australie | 29 décembre | 1923 | 14 août | 1925 |
Autriche | 12 mars | 1930 A | 12 mars | 1930 |
Belgique | 27 mai | 1925 A | 14 août | 1925 |
Bulgarie | 20 octobre | 1925 A | 20 octobre | 1925 |
Canada | 29 décembre | 1923 | 14 août | 1925 |
Chili | 17 décembre | 1928 A | 17 décembre | 1928 |
Chine | 1er juillet | 1925 A | 14 août | 1925 |
Corée (Sud) | 7 septembre | 2012 A | 7 septembre | 2012 |
Danemark | 24 janvier | 1924 | 14 août | 1925 |
Egypte | 13 septembre | 1925 A | 13 septembre | 1925 |
Espagne | 12 novembre | 1925 A | 12 novembre | 1925 |
Estonie | 7 avril | 1930 A | 7 avril | 1930 |
États-Unis | 2 avril | 1924 | 14 août | 1925 |
Finlande | 12 août | 1925 A | 14 août | 1925 |
France | 6 septembre | 1924 | 14 août | 1925 |
Grèce | 21 octobre | 1925 A | 21 octobre | 1925 |
Hongrie | 29 octobre | 1927 A | 29 octobre | 1927 |
Inde | 29 décembre | 1923 | 14 août | 1925 |
Irlande | 29 décembre | 1923 | 14 août | 1925 |
Islande | 31 mai | 1994 | 31 mai | 1994 |
Italie | 6 août | 1924 | 14 août | 1925 |
Japon | 2 avril | 1925 | 14 août | 1925 |
Lituanie | 17 janvier | 2013 A | 17 janvier | 2013 |
Monaco | 22 juin | 1925 A | 14 août | 1925 |
Norvège | 8 octobre | 1924 | 14 août | 1925 |
Nouvelle-Zélande | 29 décembre | 1923 | 14 août | 1925 |
Pays-Bas | 3 septembre | 1920 | 14 août | 1925 |
Pologne | 2 septembre | 1931 A | 2 septembre | 1931 |
Portugal | 24 octobre | 1927 A | 24 octobre | 1927 |
République dominicaine | 3 février | 1927 A | 3 février | 1927 |
République tchèque | 21 juin | 2006 S | 1er janvier | 1993 |
Roumanie | 10 juillet | 1925 A | 14 août | 1925 |
Royaume-Uni | 29 décembre | 1923 | 14 août | 1925 |
Russie | 27 janvier | 1992 S | 21 décembre | 1991 |
Suède | 15 septembre | 1924 | 14 août | 1925 |
Suisse | 30 juin | 1925 A | 14 août | 1925 |
Venezuela | 8 février | 1928 A | 8 février | 1928 |
La Chine n’a pas fait de déclaration de succession après la proclamation de la République Populaire de Chine (RPC), contrairement à la Russie ou à la République tchèque par exemple. La Norvège considère ainsi que la RPC n’est pas Partie au Traité de 1920 (auquel la Chine a adhéré en 1925), alors que la présence d’une équipe scientifique chinoise au Svalbard et les bénéfices des facilités de la base de Ny-Ålesund découlent de cette adhésion au Traité de Paris.
1. | ↑ | AWIPEV – Alfred Wegener Institute et Institut polaire français Paul Émile Victor. |
2. | ↑ | Quota de 15 000 tonnes réparti entre Norvège 7 650 tonnes, Russie 6 750 tonnes et autres 600 tonnes. |