Arctique : Préparation face aux situations d’urgence (focus Norvège et Danemark)

Développement rédigé par Lola Menigaux. (Mars 2018)

Un des sujets des plus importants dans les préoccupations des pays arctiques est la préparation face aux situations d’urgence. L’Arctique a toujours été une région instable du point de vue environnemental, mais les changements climatiques dans les dernières années rendent la région de plus en plus imprévisible. Cela entraîne des questions de sécurité dans de nombreux domaines, qui vont être détaillés. Le trafic maritime grandissant dans l’Arctique et l’exploitation pétrolière constituent les deux secteurs les plus étudiés lors de la prévention et de la préparation aux situations d’urgence.

u   Les risques présents

La fonte des glaces de plus en plus tôt et forte en Arctique entraîne une croissance du trafic maritime, principalement sur le Passage du Nord-Est (ou Route Maritime du Nord). La période de traversée de passage devient en effet plus longue, ce qui permet une augmentation du transport maritime (essentiellement de destination et non de transit) via cette voie. Cependant les risques ne s’amenuisent pas : la présence d’obstacles imprévisibles comme les icebergs ou autres morceaux de glace dérivants, le brouillard ou les températures variant considérablement, peuvent entraîner des dommages pour les navires et présentent des risques importants pour les équipages. Bien que rare car les équipages sont expérimentés et les navires bien équipés, un accident peut arriver, et provoquer de vastes dégâts, matériels mais aussi humains et environnementaux.

Un autre risque qui est regardé de près en Arctique est celui venant des plates-formes pétrolières offshore. La Norvège et la Russie sont particulièrement sensibles : les deux pays ont une économie fortement basée sur leur production de pétrole et de gaz naturel dans l’Arctique, comprenant en partie des plates-formes offshores. Les accidents sont également rares, mais leur situation géographique peut aussi entraîner de graves dommages humains et il est donc nécessaire de se préparer à répondre à tout type d’incident.

Enfin, d’autres risques sanitaires peuvent émerger avec les changements climatiques. L’un d’eux commence à prendre de l’ampleur et concerne les éléments chimiques piégés dans la glace, qui pourraient être libérés avec la fonte des glaces en Arctique. Certains de ces éléments présentent une forte toxicité, et cela entraînerait de nouvelles mesures sanitaires à prendre en compte. Cependant, ce risque n’est pas considéré comme une urgence car la fonte des glaces se fait de manière progressive et non instantanée.

Il est important de noter que ces accidents ont une probabilité très faible de se produire ; cependant ils pourraient conduire à de très fortes conséquences environnementales, mais aussi humaines, et il n’est donc pas possible de les négliger.

u   La gestion de ces risques par la Norvège et les autres pays arctiques

Parmi les pays de l’Arctique, la Norvège demeure un des membres les plus proactifs, avec des stratégies politiques mentionnant souvent la région polaire. Son attention particulière est en partie due à son économie actuelle, principalement fondée sur son exploitation du gaz naturel et du pétrole, ainsi que la pêche, dont une partie se fait dans l’Arctique. De plus, un accroissement du trafic maritime peut aussi amplifier son économie. La Norvège doit donc pouvoir faire face aux risques précédemment évoqués dus aux dangers auxquels ces activités sont soumises.

De nouvelles études[1][2] apparaissent récemment, et notamment en Norvège, sur la réponse d’urgence pour des missions de recherche et sauvetage (SAR) et sur l’impact des déversements d’hydrocarbures[3][4][5][6][7][8]. Certaines études[9][10] scientifiques vont se concentrer sur l’optimisation des placements des moyens de sauvetage (hélicoptères et bateaux) afin de diminuer le temps à passer dans l’eau pour les personnes à secourir. Ils prennent pour cela en compte tous types de disposition géographique, le nombre de personnes à secourir et les moyens à disposition. Ces travaux peuvent aider les organisations dédiées au sauvetage en mer en apportant des modèles adaptables à chaque région atteinte par ces risques, notamment près des plates-formes offshores. D’autres études[11] s’intéressent à la gestion de risque et à la disponibilité des moyens tels que les hôpitaux, en cas d’incident majeur quel que soit le type.[12] En 2013, le gouvernement a signé l’achat de seize nouveaux hélicoptères pour les missions de « Search and Rescue » (SAR)[13]. L’intérêt pour la gestion des situations d’urgence croît donc du point de vue gouvernemental, mais aussi scientifique.

La Norvège fait mention de réponse aux situations d’urgence et de SAR à plusieurs reprises dans différents chapitres des Livres Blancs et Stratégies, par exemple avec un chapitre dédié dans la Stratégie pour l’Arctique[14] publiée en 2017. Il en ressort une volonté d’entraide à l’échelle intergouvernementale dans les dernières années, plutôt que d’action nationale : la coopération, avec la participation à des exercices conjoints, demeure un axe structurant de l’approche norvégienne de la SAR. Plus spécialement, elle a conclu des accords avec la Russie concernant la mer de Barents, pour faciliter l’entraide en cas d’accident[15].

Au sein du Conseil de l’Arctique, il existe un groupe de travail spécialisé, appelé « Emergency Prevention, Preparedness and Response » (EPPR) qui s’occupe de menace environnementale mais aussi de SAR et de gestion des risques dans l’Arctique. Ce groupe dirige des exercices et des entraînements en coopération avec tous les pays du Conseil, et se réunit tous les deux ans pour évaluer la situation et planifier la stratégie pour les deux années suivantes. Cependant certains pays sont plus avancés que d’autres sur les politiques de réponse aux incidents majeurs, ce qui dépend de leurs enjeux économiques ou populationnels dans la région. Le Danemark par exemple participe aux exercices internationaux et a une unité nationale dédiée, le Joint Arctic Command, mais les moyens utilisés sont faibles face à l’immensité du territoire à couvrir. Cette unité, même si elle est présente à plusieurs points autour du Groenland, ne peut pas couvrir l’ensemble des 2 millions de km2 de superficie du Groenland, mais se concentre principalement sur les zones à plus forte population (voir figure). La Norvège et la Russie, directement touchées par ces problématiques dues au trafic maritime et à leurs activités offshores, paraissent plus fortement impliquées, avec des accords bilatéraux et une présence des forces militaires plus importante dans les mers nordiques.

  • Présence du Joint Arctic Command au Groenland[16]

  • Rayons d’action des hélicoptères SAR du Joint Arctic Command danois[17]

Notes :

[1] Vinnem Jan Erik, « Evaluation of offshore emergency preparedness in view of rare accidents », Safety Science, n°49, 178-191, 2011.

[2] Tveiten Camilla Knudsen, Albrechtsen Eirik, Waerø Irene, Wahl Aud Marit, « Building resilience into emergency management », Safety Science, n°50, 1960-1966, 2012.

[3] Brekke Camilla, Solberg Anne H.S., « Oil spill detection by satellite remote sensing », Remote Sensing of Environment, n°95, 1-13, 2005.

[4] Reed Mark, Daling Per, Lewis Alun, Ditlevsen May Kristin, Brørs Bård, Clarck James, Aurand Don, « Modelling of dispersant application to oil spills in shallow coastal waters », Environmental Modelling & Software, n°19, 681-690, 2004.

[5] Knol Maaike, Arbo Peter, « Oil spill response in the Arctic: Norwegian experiences and future perspectives », Marine Policy, n°50, 171-177, 2014.

[6] Camus Lionel, SMIT Mathijs G.D., « Environmental effects of Arctic oil spills and spill response technologies, introduction to a 5 year joint industry effort », Marine Environmental Research, 2018.

[7] Faksness Liv-Guri, Brandvik Per Johan, Daling Per S., Singsaas Ivar, Sørstrøm Stein Erik, « The value of offshore field experiments in oil spill technology development for Norwegian waters » Marine Pollution Bulletin, n°111, 402-410, 2016.

[8] Skrunes Stine, Jones Cathleen E., Brekke Camilla, Holt Benjamin, Espeseth Martine M., « On the effect of imaging geometry on multipolarization SAR features for oil spill observation », Présenté au Living Planet Symposium 2016, Prague Czech Republic, May 2016.

[9] Brachner Markus, Hvattum Lars Magnus « Combined emergency preparedness and operations for safe personnel transport to offshore locations », Omega, n°67, 31–41, 2017.

[10] Zakariassen Erik, Uleberg Oddvar, Røislien Jo, « Helicopter Emergency Medical Services Response Times in Norway: Do They Matter? » Air Medical Journal, 34:2, 2015.

[11] Røislien Jo, Van Den Berg Pieter L., Lindner Thomas, Zakariassen Erik, Aardal Karen, Van Essen J. Theresia, « Exploring optimal air ambulance base locations in Norway using advanced mathematical modelling », Injury Prevention, n°23, 10-15, 2017.

[12] Johnsen Anne Siri, Sollid Stephen J. M., Vigerust Trond, Jystad Morten, Rehn Marius, « Helicopter emergency medical services in major incident management: A national Norwegian cross-sectional survey », PLoS ONE, 2017.

[13] https://www.regjeringen.no/en/aktuelt/government-signs-search-and-rescue-helic/id748343/

[14] Norway’s Arctic Strategy, between geopolitics and social development, https://www.regjeringen.no/en/dokumenter/arctic-strategy/id2550081/?q=arctic%20strategy

[15] Barents Joint Manual, 2017.

[16] Site du Commandement de la Défense Danoise, sous-unité du Ministère de la Défense, https://www2.forsvaret.dk/eng/Pages/English.aspx

[17] Gouvernement du Danemark, Forsvaret.