Moscou adopte un plan de 15 ans pour le développement de la route maritime du Nord
Le 30 décembre 2019, le gouvernement russe a publié son plan de développement de la route maritime du Nord (RMN) pour les quinze prochaines années. Ce plan dévoile les projets infrastructurels que le pouvoir fédéral entend favoriser pour accompagner la croissance du trafic maritime.
Adopté le 21 décembre 2019 par le gouvernement russe, un nouveau plan de développement de la RMN a été annoncé le 30 décembre dévoilant une stratégie pour les quinze prochaines années. Dans ce plan pluriannuel (2020-2035), le gouvernement entend lancer plusieurs projets infrastructurels pour accompagner le développement de la RMN dans les prochaines années (Plan de développement de la RMN d’ici 2035).
Le document détaille les projets de développement pour les années à venir. En outre, il met en avant les différents opérateurs publics dont Rosatom apparaît comme la cheville ouvrière. Parmi les projets, la construction de 40 nouveaux navires, dont plusieurs brise-glaces nucléaires, est identifiée comme une priorité. Toutefois, les infrastructures pour le développement du transport intermodal soulignent l’ambition structurelle dans le développement de la RMN. Ainsi, le gouvernement doit décider, d’ici décembre 2022, la construction de la voie ferrée Belkomur reliant Arkhangelsk, Syktyvkar et Perm. Par ailleurs, quatre aéroports régionaux dans l’Arctique russe (Amderma, Chersky, Keperveem et Pevek) seraient, selon le même document, rénovés durant cette période. (Voir le détail des mesures dans le bloc de veille « Trafic maritime – Sécurité maritime » ci-après).
La Norvège s’engage dans une politique de renforcement de sa présence militaire en Arctique
Lors d’un discours à la Société militaire d’Oslo (Oslo Militære Samfund), le chef d’État-major norvégien Håkon Bruun-Hansen a souligné une activité militaire croissante dans les mers de Barents et de Norvège. Depuis quatre ans, le gouvernement norvégien avait opéré cette nouvelle dynamique en augmentant le budget de la Défense.
Le 20 janvier, à l’occasion d’un discours à la Société militaire d’Oslo, le chef d’État-major norvégien Håkon Bruun-Hansen a évoqué la situation sécuritaire à présent détériorée de la Norvège dans son espace septentrional. Pour le chef d’État-major, « la coopération russo-chinoise dans le Nord pourrait remettre en cause nos intérêts dans la région » (Discours à la Société Militaire d’Oslo). Dans ce contexte, plusieurs mesures ont été décidées pour consolider et moderniser l’ensemble des forces armées du pays :
- Renforcement de l’unité de gardes-frontières (en cours de création pour être opérationnelle en 2022) ;
- Renforcement des forces de défense intérieure dans la région du Finnmark (depuis 2019, un programme d’entraînement militaire de six mois a été mis en place) ;
- 52 avions de combat F‑35 doivent être opérationnels d’ici 2025 ainsi que cinq avions de patrouille maritime P‑8A Poséidon ;
- Renforcement des capacités de défense aérienne avec le déploiement du NASAMS III ;
- Acquisition d’un nouveau système d’artillerie (24 unités K‑9) et de 144 nouveaux véhicules de combat (CV90) ;
- Quatre nouveaux sous-marins (Thyssen Krupp Marine Systems) sont programmés pour être opérationnels d’ici 2032. Le premier doit être livré en 2025.
Ce renforcement annoncé traduit la trajectoire que le gouvernement norvégien a suivi ces dernières années. Ainsi, depuis quatre ans, le budget militaire du pays a augmenté de 9,4 milliards de couronnes norvégiennes (environ 945 millions d’euros). Le renforcement capacitaire annoncé confirme que cette dynamique haussière se poursuivra ces prochaines années.
Nikel, une impossible transition socio-économique ?
Après l’annonce de la fermeture prochaine de la fonderie du groupe Nornickel à Nikel (cf. Bulletin n°8, janvier 2020), les premiers effets économiques se ressentent sur le marché de l’immobilier. Les promesses à la fois du groupe russe et des autorités locales ne convainquent pas la population de la communauté.
Pierre angulaire de la vie socio-économique de la ville frontalière de Nikel, la fonderie détenue par le groupe minier Nornickel entame son processus de fermeture. Et les conséquences de cette fermeture commencent à trouver une traduction sur le marché immobilier local. Ainsi, les prix des logements dans la petite communauté sont en chute. Sans demande, certains appartements sont mis en vente pour 100 000 roubles (environ 1 450 euros). Cette somme correspondrait à 11 mois de loyers sur le marché locatif actuel dans cette ville frontalière (Bloger51).
Malgré ce contexte de crise, les autorités locales et régionales souhaitent mettre en œuvre un projet de reconversion avec un appui financier de Nornickel et son partenaire Port Liinarkhamari. Encore en élaboration, ce projet souhaite soutenir un modèle économique tourné vers le tourisme. En outre, la création d’une zone économique franche, comprenant des avantages fiscaux pour les investisseurs, est envisagée (The Independent Barents Observer).
Pour cela, les autorités locales russes comptent sur le soutien de la Norvège pour surmonter cette transition économique. À cet effet, une réunion avec une délégation de Sør-Varanger, municipalité norvégienne voisine, a été organisée, le 21 janvier 2020, pour envisager une coopération renforcée. Des groupes de travail conjoints seront constitués pour contribuer aux idées qui pourraient être incluses dans le plan d’action local (Communiqué de la municipalité du raïon de Pechenga).
Resources gazières, Novatek
La société Novatek a obtenu des licences d’exploitation dans la péninsule isolée de Gydan. La plupart de ces réserves doivent être évacuées par la voie maritime du Nord.
Au cours de l’année 2019, Novatek a remporté plusieurs nouvelles licences sur les côtes de la mer de Kara, en péninsule de Gydan et dans le golfe d’Ob. Il s’agit du champ de Bukharinskoye situé en partie à terre, en partie au large. Les ressources correspondent à l’ensemble de la consommation actuelle de l’UE pendant près d’une décennie. Au total, les acquisitions de licences de Novatek dans la région en 2019 représentaient très probablement plus de 4 000 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Cela représente environ 8 fois la consommation annuelle totale de l’Union européenne. L’UE en 2018 a consommé 458,5 milliards de mètres cubes de gaz, dont 155 milliards importés de Russie. Novatek possède désormais plus de 55 licences d’exploitation dans l’extrême nord de la région de Yamal-Nenets, dont beaucoup sont situées près du golfe d’Ob et de la rivière Yenisey. La péninsule de Yamal représente la plus grande région du monde dans la production de gaz naturel, qui représente environ 80% de la production de gaz en Russie et environ 15% de la production mondiale de gaz. Novatek prévoit d’ouvrir quatre nouveaux projets de GNL sur les péninsules de Yamal et Gydan au cours de cette décennie. Par ordre d’achèvement prévu, il s’agit d’Ob LNG, Arctic LNG 2, Arctic LNG 3 et Arctic LNG 1. La construction d’Arctic LNG 2, située sur la péninsule de Gydan en face de Yamal LNG, a commencé en 2018. L’installation comprendra trois trains de liquéfaction de GNL, ces lignes de production fournissant un total de 19,8 millions de tonnes de GNL par an. Novatek envisagerait d’augmenter, à partir de 2020-2021, son plan de production de GNL jusqu’à 70 millions de tonnes d’ici 2030. La société prévoit de construire au moins six trains de liquéfaction d’ici 2030, avec des investissements totalisant environ 2 500 milliards de roubles (38,9 milliards de dollars). Sources : The BarentsObserver ; Novatek ; Tass.
Figure 1 : Licences de Novatek sur les péninsules de Yamal et Gydan (© The Arctic Institute)
Des difficultés pour Novatek pour le lancement du dernier train de Yamal LNG
Alors que le troisième train de Yamal LNG a été lancé en décembre 2018, le quatrième et dernier train est confronté à des difficultés. Un problème de conception des gazoducs serait à l’origine du retard enregistré par Novatek.
Comprenant quatre trains dans le développement du site de production Yamal LNG, Novatek avait lancé le troisième train en décembre 2018, soit un an plus tôt par rapport au cahier des charges initial. Au début de l’année 2019, la capacité de production de gaz naturel liquéfié a atteint 16,5 millions de tonnes. Cependant le lancement du quatrième et dernier train, initialement programmé pour décembre 2019, connaît un retard significatif bouleversant le calendrier du groupe russe.
Celui-ci ne serait pas prêt avant mars 2020. Cette situation génère des pertes financières conséquentes pour Novatek, estimées à 900 millions de roubles (environ 13,1 millions d’euros) par mois (Kommersant). Les raisons de ce retard s’expliquent par des problèmes techniques concernant les gazoducs. Ces derniers, conçus par la société NIPIGAZ, ne résisteraient pas aux températures négatives extrêmes dans la région, suggérant un problème de conception.
Saint-Pétersbourg, capitale événementielle pour l’Arctique ?
La conférence biannuelle « L’Arctique – Territoire de Dialogue » (Arktika – territoriya dialoga) ne retournera pas à Arkhangelsk en 2021. L’événement sera maintenu à Saint-Pétersbourg pour des raisons logistiques permettant d’accueillir le nombre important de participants.
En 2017, la ville d’Arkhangelsk accueillait la conférence incontournable sur l’Arctique en Russie (Arktika – territoriya dialoga) en présence notamment de Vladimir Poutine et du vice-Premier ministre chinois. En 2019, l’événement qui devait se dérouler dans la ville arctique a été déplacé à la dernière minute à Saint-Pétersbourg. Cette conférence a réuni jusqu’à 8 000 participants. La prochaine conférence, programmée en 2021, pourrait accueillir au moins autant de participants.
Dans ce contexte, cette prochaine conférence sera de nouveau organisée à Saint-Pétersbourg. Pour le gouverneur de l’oblast d’Arkhangelsk, « il n’y a aucune ville dans la zone arctique capable d’accueillir un tel événement » (News29). Selon les autorités russes, des villes comme Arkhangelsk et Mourmansk n’auraient pas les capacités hôtelières suffisantes pour permettre l’hébergement lors d’un événement avec un tel niveau de participation. Le résultat de ce transfert est de positionner Saint-Pétersbourg comme place incontournable des rencontres internationales pour l’Arctique en Russie.
Déclaration controversée du métropolite de Mourmansk et Monchegorsk sur Sør-Varanger (Norvège)
Le métropolite Mitrofan de Mourmansk et Monchegorsk a affirmé dans un entretien que la commune norvégienne de Sør-Varanger était une terre orthodoxe. Ce dernier prend soin néanmoins de préciser qu’il n’y a aucune revendication territoriale derrière ce postulat religieux.
Le nouveau leader de l’Église orthodoxe russe pour l’oblast de Moursmank, le métropolite Mitrofan a affirmé que la commune norvégienne de Sør-Varanger appartenait à la communauté orthodoxe argumentant que cette région avait été cédée en 1826 au moment de la délimitation de la frontière terrestre russo-norvégienne suite à l’accord entre le roi de Norvège et de Suède Carl Johan et le tsar Nicolas Ier (Argumenty i Fakty).
Malgré ce postulat, pour le moins controversé, le métropolite précise que l’Église orthodoxe russe n’entend pas réclamer un retour territorial de la région de Kirkenes. Il souhaite cependant l’édification d’une église orthodoxe, et relève par ailleurs l’attitude positive des Norvégiens à ce sujet.
Florian Vidal (GEG), avec Hervé Baudu (ENSM)