Bulletin Janvier 2020 – Norvège, Suède, Finlande, Russie

Le norvégien Equinor réajuste son programme de développement
en Arctique

Equinor a déclaré début décembre abandonner ses projets d’exploitation le long de la frontière maritime avec la Russie, jugeant les résultats de ses forages décevants. En mer de Barents, la priorité du groupe norvégien se centrera sur le développement du champ Johan Castberg.

Le groupe norvégien Equinor a annoncé interrompre ses activités d’exploration dans la partie sud-est de la mer de Barents, longeant la frontière maritime avec la Russie. Selon Dan Tuppen, directeur d’exploration d’Equinor, « les puits sur lesquels nous avons opéré ont eu des résultats décevants » (E24). Pour le groupe, ces forages à sec ne sont pas inattendus mais amènent ses dirigeants à recentrer leurs activités à l’ouest de la mer de Barents.

Dans la zone, les moyens engagés seront déployés autour du champ de Johan Castberg. Découvert en 2011, ce champ pétrolifère est considéré comme le plus prometteur, comprenant jusqu’à 650 millions de barils. Les opérations d’exploitation sont programmées à partir de 2022 (The Independent Barents Observer). En outre, la Direction norvégienne du pétrole (Oljedirektoratet) a attribué le 19 décembre une nouvelle licence d’exploration dans la zone 532, à 25 kilomètres au sud de Johan Castberg (Communiqué de presse de la Direction norvégienne du pétrole).

Equinor et Rosneft s’allient dans l’exploitation d’un champ pétrolifère de Severo-Komsomolskoye

Partenaires stratégiques depuis 2013, le norvégien Equinor et le russe Rosneft s’associent dans une joint-venture afin d’exploiter le potentiel pétro-gazier du champ de Severo-Komsomolskoye, dans l’okrug autonome de Yamal-Nenets. Ce projet ne s’insère pas dans le régime de sanctions en vigueur contre la Russie depuis 2014.

Equinor et Rosneft, par le biais d’une joint-venture, ont décidé d’exploiter le champ pétrolifère de Severo-Komsomolskoye, situé dans la partie septentrionale de l’okrug autonome de Yamal-Nenets. Cette nouvelle entité juridique, détenue majoritairement par Rosneft (66,67% des parts) et soutenue par le groupe Equinor, partenaire minoritaire (33,33% des parts), développera dans un premier temps des infrastructures pour le transport et le traitement pétro-gazier (Communiqué de presse de Rosneft). Dans la première phase de ce projet, une production de 250 millions de barils de pétrole et de 23 milliards de mètre cube de gaz naturel serait attendue.

Pour rappel, les sanctions occidentales imposées à la Russie, en vigueur depuis l’annexion de la Crimée en 2014, interdisent aux entreprises occidentales du secteur de soutenir le développement « offshore » dans l’Arctique russe, la dimension terrestre de ce projet russo-norvégien d’exploitation des hydrocarbures l’exclut de ce cadre.

Prolongation jusqu’en 2034 pour le réacteur n°2 de la centrale nucléaire
de Kola

Le groupe Rosatom a annoncé l’attribution d’une licence de prolongation du réacteur n°2 pour 15 ans de la centrale nucléaire de Kola. Avec cette licence attribuée par les autorités fédérales, ce réacteur voit son fonctionnement prolongé jusqu’en 2034.

Le Service fédéral russe pour la supervision écologique, technologique et nucléaire (Rostekhnadzor) a attribué une licence de prolongation du réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Kola. Rosatom a informé que cette prolongation s’étend pour les 15 prochaines années, soit jusqu’en 2034. Un programme d’investissement de 4,5 milliards de roubles (environ 64,9 millions d’euros) doit être entrepris pour accompagner cette prolongation (Communiqué de presse de Rosatom).

Ce réacteur est entré en opération en février 1975, et appartient à la première génération des réacteurs soviétiques refroidis à l’eau de type VVER-440/230. Il est aussi le dernier de cette centrale nucléaire à avoir obtenu une prolongation de sa durée de vie. Comptant au total quatre réacteurs, le réacteur n°1 fonctionnera jusqu’en 2033, le n°3 jusqu’en 2027 et le n°4 jusqu’en 2029.

Des doutes autour des projets miniers de Vostok Ugol ?

La société d’expertise publique Glavgosexpertiza a donné son feu vert, début décembre, au groupe russe Vostok Ugol pour l’exploitation d’un gisement de charbon dans la péninsule de Taïmyr. Toutefois, les grandes ambitions extractives du groupe sont mises en doute par certains responsables, en premier lieu, Vyacheslav Ruksha, directeur pour Rosatom de la Direction de la route maritime du Nord.

Début décembre, la société d’expertise publique Glavgosexpertiza a donné un avis favorable à l’exploitation du gisement de charbon Nizhnelemberovsky (Communiqué de presse de Glavgosexpertiza). Situées à 20 km de Dikson, les réserves de ce gisement sont évaluées à 67 millions de tonnes de charbon. Détenue par Vostok Ugol, l’avis favorable à cette licence constitue la première pierre dans l’exploitation des immenses réserves de charbon situées dans la péninsule de Taïmyr (cf. Bulletin Septembre 2019). Vostok Ugol entend exporter jusqu’à 19 millions de tonnes de charbon à partir de ces gisements à l’horizon 2025. L’Inde serait le principal destinataire pour cette matière première, participant ainsi au développement de la route maritime du Nord.

Toutefois, ces ambitions sont mises en doute par plusieurs responsables russes, en particulier la direction de Rosatom qui se montre sceptique quant à cette projection. Vyacheslav Ruksha, en charge pour le groupe de la Direction de la route maritime du Nord, pointe les difficultés de Vostok Ugol à tenir son cahier des charges dans le développement de ses projets miniers. Selon lui, « l’entreprise doit prendre une décision pour enfin démarrer le développement du projet, d’ici février 2020 au plus tard » (Kommersant). Dans la prochaine phase de développement, le cahier des charges du groupe minier prévoit notamment la construction d’un terminal d’expédition.

Quel avenir pour la ville mono-industrielle de Nikel ?

Alors que le groupe russe Nornickel a annoncé la fermeture de l’usine de traitement dans la ville mono-industrielle (monogorod) de Nikel, les habitants et les salariés de cette communauté s’interrogent sur leur propre avenir. Certains estiment que cette petite ville frontalière est destinée à disparaître.

Fin 2020, l’usine de traitement du nickel doit cesser ses activités mettant un terme aux émissions de dioxyde de soufre, source d’une importante pollution dans cette zone de la péninsule de Kola, voisine de la Norvège. La décision de Vladimir Potanine, dirigeant de Norilsk Nickel, intervient dans un contexte de modernisation des infrastructures du groupe. Pour atténuer les conséquences de cette mesure, le groupe s’est dit prêt à investir jusqu’à 140 milliards de roubles (environ 2 milliards d’euros) jusqu’en 2023 dans des programmes régionaux (Communiqué de presse de Nornickel). Aussi, la petite communauté de Nikel, regroupant 11 000 habitants, s’interroge sur le sort des 800 employés de l’usine de traitement.

Si Nornickel et le gouvernement régional de l’oblast de Mourmansk se sont engagés à offrir des compensations financières et un programme de reconversion au sein d’autres unités du groupe russe, les habitants estiment que cette fermeture programmée « sera un grand désastre pour Nikel » programmant le départ inéluctable des populations les plus jeunes (The Independent Barents Observer). Bien que les autorités locales souhaitent engager une reconversion économique de cette petite ville, peu croient à sa réalisation.

Le gouvernement norvégien donne son feu vert pour une mine de cuivre dans le Finnmark

Fin novembre, le gouvernement norvégien a donné un avis favorable auprès de la compagnie minière Nussir ASA pour son projet d’exploitation des réserves de cuivre dans le comté du Finnmark. Définitif, cet aval est un échec pour les ONG environnementales et les représentants politiques de la population Sámi.

Dans un rendu officiel, le gouvernement norvégien a donné son feu vert pour l’exploitation des réserves de cuivre dans le comté du Finnmark, situé sur la zone côtière du Repparfjord. Intervenue le 29 novembre 2019, cette décision qui a valeur d’avis définitif autorise Nussir ASA à démarrer son exploitation minière dans cette région (Décision du gouvernement norvégien).

Les opposants à ce projet, comme les ONG environnementales, dont la branche norvégienne des Amis de la Terre, et les représentants politiques de la population Sámi dénoncent les conséquences sur l’écosystème local des futures activités minières dans le fjord. Ce fjord du comté du Finnmark est un espace protégé pour le saumon sauvage. Alors que le gouvernement norvégien affirme que des « règlementations environnementales très strictes » seront mises en œuvre, les scientifiques estiment que le déversement des déchets miniers dans le fjord aura des effets néfastes sur les écosystèmes marins à proximité immédiate (The Independent Barents Observer).

Faisant fi des oppositions déclarées à ce projet minier, les autorités norvégiennes ont avant tout tenu compte du contexte économique favorable à ce développement. En effet, le marché du cuivre fait face à une forte demande pour répondre aux besoins croissants dans le secteur des énergies renouvelables (panneaux solaires, turbines pour éoliennes) ainsi que celui de l’industrie automobile (véhicules électriques).

Du saumon norvégien exporté par voie ferrée vers la Chine

Un chargement de fret entre le nord de la Norvège et la ville chinoise de Xi’an est programmé pour le début d’année 2020. Pour la première fois du saumon frais norvégien sera exporté vers la Chine par voie ferrée depuis le port de Narvik.

Début 2020, le premier transport ferroviaire de saumon frais partira depuis le port norvégien de Narvik jusqu’à la ville de Xi’an, capitale de la province du Shannxi, et important centre logistique et de transport en Chine (cf. carte). La durée du trajet est estimée à 10 jours. Le développement d’une nouvelle technologie par la société californienne BluWrap entend révolutionner le marché du transport du poisson frais. Cette technologie permet le contrôle de l’oxygène et de la température garantissant ainsi la fraîcheur du produit (Salmon Business). Pour la Norvège, cette nouvelle route de la soie ferroviaire pourrait permettre le doublement de la production des produits de la mer d’ici 2030 (Jernbanemagasinet).

Ce nouveau développement commercial intervient à la suite d’une modification législative, durant l’été 2019, qui autorise le transport du poisson frais de l’Europe vers l’Asie, en traversant le territoire russe. Cette décision pourrait permettre un accroissement des flux de fret entre l’Europe du Nord et les marchés asiatiques.


Ruslan Shaveddinov, proche collaborateur d’Aleksander Navalny, nouveau conscrit de Rogatchevo, base aérienne située en Nouvelle Zemble

Un proche collaborateur du leader du Fonds Anti-Corruption (Fond Bor’by s Korruptsiej), Aleksander Navalny, a été interpellé à son domicile par la police afin d’accomplir son service militaire. Ruslan Shaveddinov devra l’effectuer sur la base militaire de Rogatchevo, en Nouvelle Zemble. Cette mise en éloignement rappelle les pratiques des anciens régimes.

Le 23 décembre, la police russe est venue interpeller Ruslan Shaveddinov, proche collaborateur d’Aleksander Navalny, à son domicile afin de se rendre auprès des autorités militaires. Ce dernier est en effet appelé à accomplir son service militaire. Le commissariat militaire, après des tests médicaux, a déclaré que Ruslan Shaveddinov était apte au service (TASS) alors que celui-ci serait inapte en raison d’une maladie (The Independent Barents Observer).

Pour accomplir son service militaire, il a été affecté sur la base aérienne de Rogatchevo, en Nouvelle Zemble. Pour Aleksander Navalny, opposant déclaré à Vladimir Poutine, la décision serait politique dont l’ordre proviendrait directement du Kremlin (compte personnel Twitter). Durant la période soviétique, la base militaire en construction sur cet archipel arctique permettait déjà le « séjour » d’opposants politiques. La mesure d’éloignement est une pratique qui remonte au temps du régime tsariste.

 

Florian Vidal (GEG)