Bulletin Mai 2020 – Norvège, Suède, Finlande, Russie

« Force de Sibérie 2 » : le nouveau grand projet énergétique de Gazprom

Lors d’une rencontre avec le président russe, le directeur général de Gazprom, Alekseï Miller, a confirmé la volonté de mettre en œuvre un second réseau de gazoduc en direction de la Chine. « Force de Sibérie 2 » vise à exporter le gaz depuis la péninsule de Yamal.

Lors d’un entretien avec Vladimir Poutine, Alekseï Miller, directeur général du groupe Gazprom, a présenté le projet de construction d’un gazoduc depuis la péninsule de Yamal vers la Chine occidentale. Approuvé par le président russe, ce projet comprend la réalisation de nouvelles infrastructures pour exporter du gaz naturel vers l’Asie et traduit la poursuite de la stratégie globale de l’entreprise. Le président russe a ordonné l’instruction d’initier la phase de préinvestissement afin « de commencer le développement d’une étude de faisabilité et les travaux de conception et d’étude pour le gazoduc Force de Sibérie 2 » (Communiqué de l’administration présidentielle de la Fédération de Russie).

Complexe, ce projet de nouveau gazoduc devrait permettre selon ses promoteurs de relier le réseau actuel de gazoducs vers l’ouest (Europe) à un nouveau réseau vers l’est (Asie) et, par conséquent, d’ouvrir une nouvelle voie pour les exportations de gaz russes. En effet, ce projet survient alors que les principaux marchés actuels de Gazprom en Europe se détournent progressivement des hydrocarbures pour se tourner vers des sources d’énergie alternatives. Le gazoduc « Force de Sibérie 2 » pourra livrer jusqu’à 50 milliards de mètres cubes de gaz à la Chine occidentale en traversant la Mongolie. Ce nouveau gazoduc envisagé est un prolongement d’un partenariat stratégique avec la Chine. En décembre 2019, Gazprom a déjà inauguré le gazoduc « Force de Sibérie » permettant l’approvisionnement de gaz vers la Chine (The Independent Barents Observer, 1er avril 2020).

Crise sanitaire à Mourmansk : le site de Belokamenka, épicentre de l’épidémie

Le site de construction de Belokamenka, situé au nord de Mourmansk, est devenu l’épicentre de l’épidémie de coronavirus (Covid‑19) dans la péninsule de Kola. Rassemblant près de 11 000 employés, ce site géré par le groupe Novatek vise à la construction d’une base d’approvisionnement pour ces projets de gaz naturel liquéfié (GNL) en Arctique.

Une crise sanitaire majeure s’est déclarée au mois d’avril 2020 sur le site de construction de Belokamenka, au nord de Mourmansk. La rapide propagation du Covid‑19 au sein des 11 000 ouvriers qui sont sur le site en fait à présent le principal foyer épidémique de la péninsule de Kola. Dès le 12 avril, les autorités fédérales ont affrété deux avions de transport Ilyushin‑76 du ministère des Situations d’urgence. En provenance de Moscou, ces deux appareils ont transporté des équipements médicaux afin de mettre en place un hôpital mobile accompagné d’une équipe médicale pour gérer la crise sanitaire (B‑port, 12 avril 2020).

Alors que le nombre de cas recensés sur le site s’élève à 867 personnes au 27 avril 2020 (Communiqué du centre de crise de l’administration régionale), l’évacuation a commencé, mais des milliers d’ouvriers demeurent toujours entassés dans des baraquements sur le plus grand chantier industriel de la région arctique russe. Le site de Belokamenka appartient au groupe gazier russe Novatek, qui opère la construction un centre d’approvisionnement de Kola Yard. Cette infrastructure est destinée à soutenir le prochain projet Arctic LNG‑2 dans la baie d’Ob en Sibérie.

Mise en quarantaine du district frontalier de l’oblast de Mourmansk

La zone de Pechenga a été mise sous quarantaine face à l’extension de l’épidémie du coronavirus dans cette région frontalière de la Finlande et la Norvège. Cette décision prise par le gouvernement de l’oblast de Mourmansk est effective depuis le 23 avril.

Alors que l’épidémie du coronavirus touche durement l’oblast de Mourmansk avec 1 056 cas recensés (Communiqué du centre de crise de l’administration régionale au 27 avril 2020), la région frontalière de Pechenga a été mise en quarantaine par les autorités régionales depuis le 23 avril 2020. Cette décision intervient alors que le nombre de cas augmente (17 cas au 27 avril 2020) dans cette zone regroupant 35 000 habitants. Les cinq premiers cas du Covid‑19 ont été répertoriés le 13 avril 2020 par le maire du district.

La mise en œuvre de cette quarantaine limite les mouvements de circulation des personnes. Si les personnes résidantes dans cette région sont toujours autorisées à y entrer, les sorties y sont désormais restreintes et ne peuvent se faire qu’avec une autorisation spéciale de l’administration municipale locale. Ces mesures de restriction s’appliquent jusqu’au 30 avril 2020 (Communiqué du centre de crise de l’administration régionale). Pour rappel, les frontières terrestres avec la Norvège et la Finlande ont été fermées jusqu’à nouvel ordre par les autorités fédérales russes.

Rosatom : vers la nomination d’un représentant spécial pour l’Arctique ?

Acteur incontournable dans le développement de l’Arctique russe, Rosatom entend durablement s’inscrire dans cette région. Ainsi, le groupe public s’apprête à nommer un représentant spécial, le maire actuel de Nijni-Novgorod, Vladimir Panov serait l’un des prétendants.

L’entreprise public Rosatom pourrait prochainement créer un poste de « représentant spécial pour l’Arctique ». Selon cette éventualité, ce représentant spécial rendrait directement compte au directeur général Aleksei Likhachev et occuperait le poste de conseiller. Selon Kommersant, l’actuel maire de Nijni-Novgorod, Vladimir Panov, est le principal candidat (Kommersant, 21 avril 2020). De son côté, la société publique n’a pas souhaité faire de commentaires sur le sujet. Quant au service de presse de l’administration de Nijni Novgorod, il n’a pas confirmé cette information. Né en 1975, Vladimir Panov est docteur en économie. Ce natif de Nijni-Novgorod a été élu maire de cette ville en 2018, et officiait auparavant comme député à la Douma.

Il s’agit d’une option toujours à l’étude et aucune décision finale n’a été prise à ce stade. La principale mission qui incombera au représentant spécial sera de coordonner le travail du groupe avec les régions russes situées le long de la route maritime du Nord (RMN). Véritable « organe interministériel » au sein de Rosatom, le représentant spécial fera le lien entre la direction de la RMN et le département pour les relations avec les régions.

Fin 2018, Rosatom a reçu l’autorité pour devenir l’opérateur d’infrastructures pour la RMN. Ses principales compétences dans l’Arctique russe comprennent notamment : l’organisation de la navigation des navires sur la RMN, le développement de l’infrastructure portuaire maritime, y compris l’énergie, la création d’un système de sécurité maritime, ainsi que le soutien à la navigation et à l’hydrographie. Pour comprendre les raisons de la création de ce poste, le journal Kommersant soulève l’hypothèse que ce poste comprendrait un concept plus large que la RMN, en tenant compte de l’Arctique dans son ensemble. Cette posture pourrait être une réponse au développement du concept « couloir de transport maritime du Nord » (Servernij morskoj transportnij koridor) qui s’amplifie dans les documents gouvernementaux.

Shell abandonne son partenariat avec Gazprom Neft

D’un commun accord, Shell et Gazprom Neft ont annoncé l’abandon du projet de joint-venture Meretoyakhaneftegaz dans le district autonome de Yamolo-Nenets. Annoncé en 2019, l’arrêt de ce projet, dont l’investissement était évalué à 130 milliards de roubles (1,6 milliard d’euros), traduit un climat très dégradé dans le secteur pétrolier.

Les sociétés Shell et Gazprom Neft ont décidé en avril 2020 d’annuler l’accord sur la création d’une entreprise conjointe Meretoyakhaneftegaz. L’objectif de cette création visait au développement de cinq sites dans le district autonome de Yamalo-Nenets avec un investissement de 130 milliards de roubles. Les réserves géologiques du projet ont été estimées à 1,1 milliard de tonnes avec un niveau de production maximum évalué à 10 millions de tonnes d’équivalent pétrole.

Shell a justifié son retrait par le contexte économique très défavorable sur le marché pétrolier avec la chute des prix amorcée depuis le mois de mars 2020. Face à ce contexte, le groupe néerlandais a annoncé une réduction de 20 % de ses investissements pour l’année 2020 qui sont ramenés à hauteur de 20 milliards de dollars. Malgré le départ de Shell, Gazprom Neft assure que le projet est maintenu et sera mis en œuvre (Kommersant, 13 avril 2020).

Opération anti-terroriste à Mourmansk

Début avril, une opération anti-terroriste a été menée à Mourmansk contre un individu suspecté de lien avec l’État islamique. Menée par le FSB, cette opération a mis à jour un engin explosif improvisé (EEI), des armes et des munitions.

Dans la nuit du 3 au 4 avril à Mourmansk, le FSB a mené une opération anti-terroriste à l’encontre d’un suspect qui planifiait, selon les autorités russes, un attentat terroriste. Selon les informations du Comité National Antiterroriste (CNA), un engin explosif improvisé prêt à l’emploi, des armes et des munitions ont été retrouvés sur le lieu de l’intervention. Par ailleurs, le CNA a indiqué que le suspect, qui a été abattu lors de cette opération, aurait fait allégeance au groupe de l’État islamique, interdit en Russie (RBK, 4 avril 2020).

 

Florian Vidal (GEG)