Bulletin Mars 2020 – Norvège, Suède, Finlande, Russie

Réforme constitutionnelle en Russie : une nouvelle gouvernance pour les régions arctiques ?

Le président Vladimir Poutine a lancé en janvier 2020 un grand projet de réforme de la Constitution russe. Certaines voix appellent à refonder la gouvernance régionale, et en premier celle de l’espace arctique russe. Elles estiment que le pouvoir fédéral pourrait entreprendre une gestion directe des zones stratégiquement importantes dans le nord du pays.

Depuis l’annonce du projet de réforme constitutionnelle à l’occasion du discours du président Vladimir Poutine à la Nation, un groupe de travail a été créé le 15 janvier 2020. Ce groupe comprenant 75 personnes ne dénombre aucun repré­sentant des régions du nord de la Russie. Néanmoins, certains souhaiteraient apporter des modifications en matière de gouvernance de l’espace septentrional russe.

Ainsi, sur l’initiative de Sergeï Kharitonov, président de la Douma régionale de Toula, il a été proposé de créer des « territoires fédéraux » en Russie lors d’une réunion du groupe de travail sur la préparation des amendements à la Constitution (Kommersant, 6 février 2020). Parmi les espaces ciblés, les zones stratégiquement importantes du nord y sont mentionnées. Cette idée a été reprise par Andreï Klishas, président du Comité constitutionnel du Conseil de la Fédération. Ce dernier suggère de mettre des parties des territoires arctiques du pays et plusieurs autres zones directement sous tutelle fédérale.

Sur son blog personnel, Andreï Klishas, qui co-préside le groupe de travail sur le nouveau projet de Constitution, indique que la question mérite d’être sérieusement étudiée et qu’il existe un certain nombre d’exemples étrangers qui peuvent servir de modèles. Bien que l’idée soit encore en discussion, ces zones à statut spécial seraient soumises à la gestion directe proposée par le gouvernement. Celles-ci peuvent se constituer en unités administratives-territoriales fermées ou en territoires naturels spécialement protégés au sein de la zone arctique (Blog officiel d’Andreï Klishas, 6 février 2020).

La Norvège dénonce les tentatives d’ingérence de la Russie sur son territoire

Dans leur rapport annuel, les services de renseignement norvégiens pointent la menace russe sur le territoire norvégien. Celle-ci viserait à diviser le pays entre son nord et son sud. Face à ces accusations, l’ambassade russe à Oslo a démenti toute tentative d’ingérence.

Le nouveau rapport Fokus 2020 des services de renseignement norvégiens indique que la Russie pourrait mener des opérations d’influence visant à saper la confiance des citoyens envers leurs autorités publiques, leurs politiciens et leurs médias (The Independent Barents Observer, 10 février 2020). Selon ce rapport, « la Russie utilise à la fois les services secrets, les communautés de recherche, les groupes de réflexion et les entreprises privées pour exercer une influence » (Rapport Fokus 2020).

Selon les autorités norvégiennes, le défi réside dans les tentatives de la Russie de nourrir les désaccords des habitants du nord du pays envers les décisions prises à Oslo. Pour l’ambassade de Russie à Oslo, « il n’y a aucune preuve, juste des spéculations générales » tout en déclarant que ses activités sont menées dans le strict respect des normes du droit international, les « mêmes règles que celles suivies par l’ambassade de Norvège à Moscou » (The Independent Barents Observer, 13 février 2020).

Les services de renseignement norvégiens évoquent la menace de la Chine en Arctique

Toujours dans leur rapport 2020, les services de renseignement norvégiens soulignent la menace que fait peser la Chine sur la région arctique. De leur côté, les diplomates chinois affectés en Norvège estiment que la présence de leur pays dans cette région est constructive et responsable.

Les services de renseignement norvégiens, dans leur dernier rapport Fokus, décrivent la Chine comme une menace croissante pour la Norvège. Parmi les menaces identifiées, une partie est étroitement liée aux intérêts du pays dans l’Arctique. Dans ce rapport, la Chine est mentionnée à 173 reprises, alors que la Russie l’est à 225 reprises (Rapport Fokus 2020). Ces dernières années, les services de renseignement avaient déjà signalé la montée en puissance de la Chine dans la région arctique et la menace qu’elle pouvait représenter pour la Norvège. (Cf. la réaction chinoise à ce rapport dans la partie États Observateurs).

Centenaire du Traité de Svalbard : tensions entre la Norvège et la Russie

Le 9 février 2020, le Traité de Svalbard fêtait son centième anniversaire. Cette célébration s’inscrit dans un moment de tension entre la Norvège et la Russie. En effet, cette dernière rappelle que la Norvège ne respecte pas les termes dudit traité.

Avant de célébrer le centenaire de la souveraineté norvégienne sur l’archipel du Svalbard en 2025, la Norvège a célébré à Longyearbyen un autre centenaire, celui du traité de Svalbard, signé à Paris le 9 février1920 (Communiqué des ministères des Affaires étrangères et de la Justice norvégiens). Au cours de cette célébration, la ministre des Affaires étrangères Ine Eriksen Søreide et la ministre de la Justice Monica Mæland soulignent que « la souveraineté norvégienne est incontestée et le Svalbard est norvégien tout comme n’importe quelle région du continent » (The Independent Barents Observer, 9 février 2020).

Néanmoins, une lettre du ministre des Affaires étrangères russe Sergeï Lavrov, en date du 2 février 2020, vise à intercéder auprès des autorités norvégiennes pour la mise en œuvre d’un renouveau du dialogue bilatéral concernant l’archipel du Svalbard. Dans cette lettre, il signale que la Russie serait victime d’une discrimination sur l’archipel. Rappelant l’opposition de la Russie à la création par la Norvège d’une zone de protection des pêches autour de Svalbard en 1977, il appelle à « des consultations bilatérales sur la suppression des limitations de l’activité et des structures russes sur l’archipel » (Communiqué du ministère des Affaires étrangères russe). Par cet appel, la Russie annonce son intention de maintenir sa présence dans la région sur le long terme, en modernisant ses infrastructures et diversifiant ses activités.

De même, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe évoque la violation du traité par la Norvège. En réponse, celle-ci a rejeté ces accusations précisant le respect de ce traité international réglementant les activités sur cet archipel arctique. Selon le ministère des Affaires étrangères norvégien, la Norvège poursuit une politique cohérente et prévisible au Svalbard demeurant pleinement conforme à ce traité centenaire (The Moscow Times, 21 février 2020).

Le centre de données satellitaires de Sodankylä au cœur de la stratégie spatiale finlandaise

La Finlande a décidé de consacrer plus de moyens financiers à son centre de données satellitaires de Sondakylä, situé dans la région arctique. L’ambition affichée par cette nouvelle orientation du gouver­nement finlandais est de permettre d’identifier des ouvertures en matière commerciale et scientifique.

Dans le cadre d’une stratégie de renforcement des activités spatiales, la Finlande pourrait injecter plus d’argent dans son centre de données satellitaires de Sodankylä. Les missions spatiales finlandaises comprennent la surveillance de l’environ­nement, les télécommunications et les services de navigation. Dans son livre blanc sur sa stratégie spatiale (2013-2020), les activités spatiales liées à l’Arctique ont été identifiées comme l’une des quatre priorités de ce programme national.

Dès lors, l’installation de Sondakylä constitue l’infrastructure spatiale la plus importante pour cette ambition. Située à une centaine de kilomètres au nord du cercle polaire arctique, l’installation – et ses activités de traitement des données et d’observation de la Terre – est considérée comme la principale contribution de la Finlande aux opérations spatiales multinationales (Arctic Today, 18 février 2020).

Dans un contexte de compétition intense, la Finlande estime qu’elle a un rôle à jouer dans ce domaine. Selon le rapport, le pays, petit acteur dans le secteur spatial, peut accéder « à la compétitivité et à la continuité d’un système plus large » que le programme spatial européen favorise (Rapport Finland 2025). Au final, la Finlande juge que ses relations dans le domaine spatial avec l’UE et les États-Unis doivent lui permettre d’atteindre son objectif « d’exploitation pacifique et durable de la région arctique ». D’ici 2022, l’industrie spatiale finlandaise a pour ambition d’atteindre un volume d’activités de 600 millions d’euros.

Lancement avec succès de la fusée Spider-2 depuis la région arctique (Suède)

Dans le cadre du programme spatial suédois (soutenu par la Swedish Space Corporation), le lancement de la fusée Spider-2, le 20 février 2020, a été un succès. L’objectif est d’étudier et analyser le phénomène des aurores boréales.

Le 20 février, la fusée Spider-2 a été propulsée depuis l’Arctique suédois après des semaines d’attente pour obtenir les conditions météorologiques optimales. La fusée a été lancée avec succès à environ 120 kilomètres au-dessus de la ville de Kiruna.

L’objectif de ce lancement est l’étude et l’analyse des aurores boréales avec l’apport de 12 unités de mesures qui ont été libérées par la fusée dans la haute atmosphère. Le programme est financé par la Swedish Space Corporation (SSC) sous la direction de scientifiques suédois et allemands (RCINET, 24 février 2020).

 

Florian Vidal (GEG), avec Hervé Baudu (ENSM)