Rencontre du partenariat russo-américain (Russian American Pacific Partnership – RAPP) : vers un renforcement du bilatéralisme en Arctique ?
La 24ème réunion du RAPP s’est tenue fin juin 2019. Elle a été suivie d’un rapport des deux pays visant à améliorer les relations bilatérales dans un contexte de coopération arctique tendu par les déclarations de l’administration Trump.
Le RAPP est un forum bilatéral annuel entre secteur privé et représentants gouvernementaux de la Russie et des États-Unis. Plusieurs thèmes ont été abordés pendant la 24ème rencontre qui s’est tenue fin juin 2019 : l’environnement, le droit, le développement économique et la coopération scientifique.
Il ressort du rapport conclusif que les deux États, souvent opposés sur la scène diplomatique, ont de nombreux intérêts économiques en commun pour le développement de la région : « At a critical time in US‑Russian relations, the RAPP meeting again demonstrated that, despite ongoing disagreements, a productive bilateral dialogue is possible on topics of mutual interest ».
Les représentants des deux États ont appelé à une transition du fuel lourd (Heavy Fuel Oil) vers le gaz naturel liquéfié pour le transport d’hydrocarbures. Par ailleurs, les deux États ont conjointement affirmé leur volonté d’interdire l’utilisation du fuel lourd dans la région arctique, dans le détroit de Béring et dans le Pacifique Nord – volonté commune à la France par le biais de Ségolène Royal.
La Russie et les États-Unis ont appelé leurs ministères des transports respectifs à travailler, en partenariat avec les transporteurs locaux, sur un développement des liaisons entre la péninsule de Kamchatka en Russie et la ville d’Anchorage en Alaska. Un des importants aboutissements de cette réunion est le souhait de créer un groupe de travail commun pour développer les relations bilatérales des deux États. La Russie a réaffirmé son souhait de voir les États-Unis ratifier la Convention des Nations-Unies sur le Droit de la Mer.
Force est de constater que les deux administrations réticentes à la coopération multilatérale au sein du Conseil de l’Arctique maintiennent des relations à un autre niveau, souvent inférieur : celui des municipalités ou des États fédérés. Il est intéressant de noter que la coopération technique se maintient malgré les déclarations hostiles de l’administration Trump à l’égard de la Russie (discours de Mike Pompeo à Rovaniemi, discours de Mike Pence à Reykjavik). Un climat apaisé est en effet nécessaire aux deux géants pour continuer le développement de leurs territoires arctiques.
La politique de l’Union Européenne en Arctique : la Commission européenne rend une fois encore compte de l’enjeu stratégique de la région.
Le centre de stratégie politique européen de la Commission européenne (European Political Strategic Center – EPSC) a rendu un rapport complet en juillet 2019 sur l’intérêt de l’Union Européenne dans la région arctique en s’affichant comme un acteur incontournable de la bonne gouvernance arctique.
Le centre de stratégie politique européen de la Commission Européenne entend montrer au travers du rapport Walking on Thin Ice: A balanced Arctic Strategy for the EU que l’Union Européenne a un rôle important à jouer dans la construction de la gouvernance arctique. Par ailleurs, l’Union Européenne reconnaît les nouvelles opportunités que lui offre l’Arctique tant d’un point de vue économique (exploitation des ressources naturelles, le passage Nord-Ouest, construction de ports et aéroports, construction de nouvelles voies ferrées) que d’un point de vue technologique (par la mise en place de connexions numériques notamment).
L’Union Européenne défend ses intérêts par le simple fait que trois des États permanents au Conseil de l’Arctique sont membres de l’Union et que par conséquent l’Arctique fait l’objet de sa politique interne. L’Union Européenne fait état de sa dernière communication datant de 2016 et réaffirme ses ambitions dans la même lignée : la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique ; un développement durable dans la région ; la promotion de la coopération internationale comprenant également la coopération bilatérale, des engagements avec les populations autochtones et leur participation aux prises de décision, une meilleure gouvernance de la pêche et une coopération scientifique.
Le rapport reconnaît le manque de clarté de la politique commune des pays de l’Union Européenne en Arctique qui placerait le développement durable au centre de ses engagements. Le rapport souligne la nécessité pour l’Union Européenne de définir une position arctique plus visible et intégrée, à l’instar de la politique chinoise. Le rôle le plus important à jouer pour l’UE serait celui de développer des accords internationaux autour du développement durable et de la protection environnementale.
Par rapport aux autres acteurs arctiques, le rapport souligne également l’importance pour l’UE de mettre en avant la participation des communautés locales dans le processus de décision. Parmi la série de recommandations, le rapport préconise de renforcer les liens avec le Groenland et les îles Féroé, d’engager une collaboration plus étroite avec les États-Unis et la Chine, reconnus à présent comme des acteurs incontournables. Le rapport se conclut par la nécessité de rassembler les différentes stratégies de l’Union Européenne en une seule politique cohérente et visible.
La coopération arctique dans la lutte contre les feux de forêt à l’agenda
Les leaders autochtones ont appelé à la coopération pour surmonter la crise qu’a rencontrée la région arctique pendant l’été 2019 : des feux d’une ampleur exceptionnelle ont ravagé des millions d’hectares de terrain en Alaska, au Canada et en Sibérie.
Depuis plusieurs années, le climat arctique est touché par des hausses de température alarmantes affectant l’ensemble des écosystèmes de la région arctique et entraînant des feux de forêt. La Suède avait même sollicité l’assistance de l’Union Européenne et de la Turquie en 2018. Ces feux sont dangereux à la fois pour la biodiversité (la faune et la flore), mais aussi pour les populations autochtones vivant sur place qui n’ont pas les moyens d’y répondre.
La coopération entre les différents acteurs de la région arctique semble apporter un élément de réponse à cette crise. En effet, le co-président du Conseil International de Gwich’in (CIG), Edward Alexander, a appelé rapidement les États à satisfaire leur responsabilité de protéger les populations autochtones des feux les menaçant. Pour reprendre ses mots : « la région ne peut désormais plus se tourner vers l’assistance des pays du Sud, mais doit construire sa propre résilience ».
Le CIG a donc proposé un recueil de solutions afin de promouvoir la coopération dans la région. Ce recueil a lui-même été présenté devant trois des six groupes du Conseil de l’Arctique : Emergency Prevention Preparedness and Response (EPPR) ; Conservation of Arctic Flora and Fauna (CAFF) ; Sustainable Development Working Group (SDWG). Les solutions envisagées dans la lutte contre ces incendies sont un partenariat plus poussé entre les pays membres du Conseil en plus d’une meilleure préparation (par plus d’exercices par exemple) des services de secours.
Réunion des Chefs de gouvernement des pays nordiques en Islande, Angela Merkel en invitée spéciale
Angela Merkel tente de se placer en leader européen des pays nordiques en participant à la réunion des Chefs de gouvernement des pays nordiques fin août 2019.
Le 20 août 2019 a eu lieu la réunion des Chefs de gouvernement d’Islande, de Suède, du Danemark, de Norvège et de Finlande. Des représentants des îles Åland, des îles Féroé et du Groenland étaient également invités. La chancelière allemande Angela Merkel a également été invitée de manière exceptionnelle.
Les discussions ont concerné le changement climatique et l’Arctique en particulier, et ont abouti à une déclaration commune. La plupart des pays scandinaves veulent atteindre la neutralité carbone bien avant le gouvernement allemand. L’Islande, par exemple, prévoit de l’atteindre d’ici à 2040, soit dix ans avant l’Allemagne.
Une rencontre avec les Premiers et les Premières ministres scandinaves était ensuite au programme de la journée d’Angela Merkel, qui a tenté de se positionner comme Chef d’un gouvernement européen engagé vers les questions environnementales et l’Arctique. Cette rencontre a eu lieu dans le contexte de l’annulation du voyage de Donald Trump à Copenhague à la suite du refus qui lui a été opposé d’acheter le Groenland.
Camille Escudé (GEG), Émilie Canova (GEG)