La nouvelle question des routes maritimes arctiques
Le trafic maritime est actuellement très faible sur les routes maritimes de l’Arctique, même si la situation est très contrastée entre la Route Maritime du Nord (RMN) qui connaît un trafic exponentiel et le Passage du Nord-Ouest (PNO) qui reste très largement gelé et impropre à la navigation. La réduction de la banquise va augmenter la durée de la saison de navigation et accroître les possibilités d’accès aux ressources naturelles en Arctique.
Parallèlement au développement du trafic de « destination » lié au transport des ressources arctiques vers un centre de transformation en Arctique et ailleurs, l’ouverture de routes maritimes estivales en Arctique suscite bien des espoirs pour la navigation internationale, dite « de transit ». Les passages du Nord-Ouest et du Nord-Est constituent en effet de remarquables jonctions entre les océans. Le seul corridor permanent entre les trois océans est la route des trois caps (Horn, Bonne Espérance, Tasmanie), qui cependant est très éloignée des grands centres humains et économiques, contrairement à l’Arctique, proche de l’Europe, de l’Asie du Nord et de l’Amérique du Nord à la fois. On observe à quel point les routes maritimes arctiques visualisées sur des cartes ou des globes comme ci-dessous, permettent d’économiser aux navires plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de kilomètres de parcours par rapport aux routes commerciales traditionnelles.
Au cours de la période 1980-1999, la RMN a été accessible environ 45 jours par an. La durée d’ouverture de la route pourrait être allongée1IPCC/GIEC, 5ème rapport d’évaluation, rapport du Groupe de travail II, chapitre 28 « Polar Regions », 2014,
http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg2/WGIIAR5-Chap28_FINAL.pdf de 10 jours d’ici 2020, et de 20 à 30 jours d’ici 2080. La RMN constituerait donc en théorie une économie de distance entre 20% et 40% par rapport aux routes actuelles pour un trajet Europe-Asie.
La route du Nord-Ouest, quant à elle, est plus longue et moins praticable à moyen terme, mais l’économie de distance par rapport au canal de Suez est de 26%, et le trajet est trois fois plus court que par le cap Horn2LASSERRE, F., (2001), « Le passage du Nord-Ouest : une route maritime en devenir ? », Revue internationale et stratégique, Paris, n° 42, p. 143.. Dans l’absolu, le gain de distance espéré s’avère profitable dans un contexte de mondialisation et de concurrence où les critères de coût et de rapidité sont essentiels.
Les routes arctiques présentent un autre grand avantage par rapport aux grands canaux interocéaniques comme ceux de Suez ou de Panama : elles assurent une plus grande sécurité des itinéraires, en évitant entre autres les zones de piraterie. Les routes polaires offrent la possibilité d’éviter de traverser des zones politiquement instables ou qui connaissent une augmentation d’actes de piraterie, comme le Golfe d’Aden. Dans les faits, les routes arctiques présentent aujourd’hui tant d’obstacles à la navigation (danger des glaces dérivantes, manque d’infrastructures, conditions de navigation dangereuses et imprévisibles pour le commerce international) que ces maigres avantages sont annulés.
Enfin, les routes maritimes arctiques constituent une forme de réponse à l’augmentation du transport maritime mondial qui a tendance à engorger les grands itinéraires maritimes. Le commerce international est actuellement dominé par le transport maritime, en constante augmentation car étroitement lié à la croissance économique des pays émergeants, au point d’atteindre 9 808 millions de tonnes de marchandises transportées en 20143CNUCED –
http://unctadstat.unctad.org/TableViewer/tableView.aspx?ReportId=32363. Dans ce contexte, les itinéraires arctiques pourraient répondre à la création de ces nouveaux besoins. L’utilisation des routes maritimes arctiques pourrait assouplir les contraintes qui pèsent sur le transport maritime, en réduisant entre autres la congestion des canaux de Panama ou de Suez.
Figure n°1 : Les routes maritimes arctiques, des « raccourcis » de distance pour le commerce international (AMAP, 2012)
Un rôle encore mineur et contrasté selon les routes arctiques
La RMN, nommée par les Russes passage du Nord, longe la côte sibérienne, de l’Atlantique Nord à l’océan Pacifique. Cette route longue de 13 000 à 14 000 km, parcourt 11 fuseaux horaires, et traverse les mers de Kara, de Laptev, de Sibérie orientale et des Tchouktches jusqu’au détroit de Béring. La route est presque entièrement dégagée, la situation climatique est plus clémente qu’au Canada (du fait du Gulf Stream). La longueur de la côte, l’importance de la population et des ressources naturelles, l’ancienneté de la mise en valeur (depuis Pierre le Grand) et des infrastructures ont conduit la Russie à devenir l’État ayant le plus d’intérêts pour la zone arctique. Les ports y constituent une interface indispensable pour l’aménagement du territoire de la Sibérie, la route du Nord étant intégrée dans une logique terrestre. À cet effet, un certain nombre de ports ont été construits, le plus grand étant Mourmansk, terminal pétrolier d’exportation majeur dans l’Arctique, pour alimenter la Sibérie à travers des fleuves (l’Ob, l’Ienisseï, la Lena) puisqu’il existe peu de moyens ferrés.
En Russie, c’est l’exploitation de ces ressources qui a été le principal moteur des efforts d’ouverture de la RMN à la navigation en été comme en hiver. La route permet l’approvisionnement (combustibles, gros matériel) de métropoles arctiques, ainsi que l’acheminement de ressources vers les centres de transformation : métaux, minerais, ressources énergétiques (pétrole du Svalbard, gaz de l’Ienisseï) et bois. Le contexte de la Guerre froide a stimulé la construction d’infrastructures et l’innovation technologique, notamment avec le développement d’une flotte de brise-glaces. En 1977, Arktika est le premier brise-glaces à propulsion nucléaire à atteindre le Pôle. À partir de cette époque, la navigation est permise en toute saison dans la RMN grâce à l’usage du brise-glaces nucléaire. Actuellement, la Russie possède les brise-glaces les plus puissants du monde (75 000 CV).
En mai 2015, la Russie possédait 41 brise-glaces, dont dix nucléaires4http://www.uscg.mil/hq/cg5/cg552/ice.asp, de loin la plus grande flotte mondiale, puisque la deuxième flotte est celle de la Suède avec six brise-glaces. Les chantiers navals d’Aker Finnyards en Finlande sont l’un des principaux producteurs de brise-glaces et de navires à coque renforcée qui fournissent exclusivement la flotte du passage du Nord-Est. Grâce à cette flotte, la Russie est capable d’utiliser le passage du Nord-Est six mois par an.
De plus, de nombreux ports d’escale en eau profonde sont échelonnés en Russie le long de la Route maritime du Nord et facilitent le trajet, contrairement au passage du Nord-Ouest. On compte aujourd’hui près de 25 ports en activité le long de la côte nord de la Russie, contre le double pendant la période soviétique. Parmi eux, huit sont libres de glaces toute l’année : Mourmansk, Arkhangelsk, Doudinka, Petropavlovsk, Magadan, Vanino, Nakhodka et Vladivostok ; les autres ne sont utilisables que de juillet à octobre, même si leur période d’ouverture devrait s’allonger. Il s’agit parfois de villes de taille respectable, comme Mourmansk (361 000 hab.), Norilsk (135 000 hab.), Vorkouta (86 000 hab.), alors qu’il n’y a aucune ville arctique importante dans l’arctique nord-américain, Iqaluit (4 500 hab.) et Fairbanks (31 000 hab.) étant situées au sud du cercle arctique. Seul le port de Mourmansk est conçu pour recevoir des navires à grands tonnage.
En comparaison, le Passage du Nord-Ouest est un véritable désert de glaces, où la navigation est très difficile, le passage étant bloqué par la banquise durant toute l’année. La portion arctique du Canada représente 75% du littoral du pays, mais peu mise en valeur et une route encore peu rentable. Le trafic y est très faible et emprunté seulement par quelques navires scientifiques et de tourisme. En un siècle, entre 1906 et 2008, seulement 120 transits ont été effectués.
L’administration russe du Northern Sea Route Information Office5http://www.arctic-lio.com/ fournit les autorisations de passage et une escorte de brise-glaces sur une route divisée en sept tronçons. Pour un transit complet de l’ouest de la mer de Kara à l’est de la mer de Tchouktches d’un navire de 20 000 tonnes sans capacité de brise-glaces, le coût estimé est de 28 598 000 roubles, près de 320 000 € en février 2016, un prix plus élevé que pour le canal de Suez ou de Panama.
Les convois de navires sont escortés par une flotte de brise-glaces qui compte en tout quatre brise-glaces à propulsion atomique (avec deux réacteurs de 75 000 CV), deux brise-glaces à propulsion nucléaire (avec un réacteur de 40 000 CV) et un navire à propulsion nucléaire6http://www.arctic-lio.com/nsr_icebreakersassistance.
La navigation « de destination » en croissance régulière, le trafic international émerge
Il s’agit de distinguer la « navigation de destination », où des navires transportent des matières premières (hydrocarbures entre autres) de la « navigation de transit » du commerce international, alternative à d’autres moyens de transports.
Le trafic interne et le trafic de destination ont augmenté de manière régulière dans la RMN et en Russie surtout, après avoir chuté à la fin de la Guerre froide. La plus grande part du trafic (85%) a lieu dans la partie occidentale (mer de Kara), et il peut se dérouler durant pratiquement toute l’année. En revanche, la partie asiatique de la route ne peut être empruntée que durant les mois d’été. L’acheminement par voie maritime puis par relais terrestres des ressources énergétiques exploitées en Arctique vers les centres de transformation constitue d’ores et déjà un enjeu stratégique et économique majeur en mer de Barents, de Kara ou de Beaufort. Le trafic de destination y augmente de manière régulière, puisque les cargos en provenance et à destination des ports de la RMN avaient pour capacité 2,8 millions de t. en 2013, 3,7 millions en 2014, et 4,5 millions de tonnes en 2015.
Figure n°2 : Volume de cargo sur la RMN entre 1985 et 2012 (transit et trafic domestique confondus)7Source : Northern Sea Route Office Information http://www.arctic-lio.com/nsr_transits)
En revanche, le transit international de cargos a chuté de 1,3 million de t. en 2013 à moins de 0,1 million de t. en 2015, alors que plus de 340 millions de t. de marchandises ont transité en 2015 par le canal de Panama8http://www.pancanal.com/eng/op/transit-stats/ et plus de 998 millions de t. par le canal de Suez, soit 17,483 navires9http://www.suezcanal.gov.eg/TRstat.aspx?reportId=3. En 2013, 71 bateaux sont passés d’Asie en Europe par la route du Nord, contre 46 en 2012 et 41 en 201110Selon la Northern Sea Route Office Information,
http://www.arctic-lio.com/, mais le trafic stagne à présent.
Le pic observé au début des années 2010 dans le trafic total de la RMN ne permet pas de préjuger d’une tendance à long terme. Après quatre ans d’usage croissant de la RMN, 2014 a marqué une baisse, le montant de cargos en transit ayant diminué de 77% par rapport à l’année précédente11http://barentsobserver.com/en/arctic/2014/12/northern-sea-route-traffic-plummeted-16-12.
À très long terme, une éventuelle disparition complète des glaces d’été ouvrirait des perspectives supplémentaires, grâce à un transit direct via le pôle Nord. Mais de nombreux obstacles qui ne seront pas surmontés avant plusieurs années, demeurent, et qui remettent en question l’affirmation selon laquelle les routes arctiques sont le plus court chemin de l’Asie à l’Europe. Tout d’abord, les gains en distance procurés par les deux routes maritimes arctiques sont d’autant plus notables que les ports de départ et de destination se situent au nord de l’hémisphère Nord. Une route Arctique permet de réduire d’un tiers la distance entre Londres et Yokohama, mais entre Marseille et Yokohama, le passage du Nord-Ouest ne sera qu’accessoirement plus court que la route passant par Suez et Malacca. Toutefois, la réduction de la distance n’est qu’un des éléments de choix d’un trajet maritime, et il existe des obstacles significatifs à la transformation de ces routes en axes commerciaux majeurs.
Tout d’abord, l’environnement naturel demeurera extrême et incertain. La banquise arctique est réputée avoir disparu même lorsque que la glace représente jusqu’à 15 % d’une surface observée (par satellite)12http://www.arctic.noaa.gov/reportcard/sea_ice.html. Une route maritime ouverte peut ainsi encore contenir des blocs de glace (notamment des « growler », d’une grande dureté) présentant un danger pour la navigation. Une voie de passage peut également être bloquée, ou son accès ralenti, par un amoncellement de glaces dérivantes porté par des courants ou des vents. La capacité des gros navires à manœuvrer sera également limitée par une cartographie (récifs, profondeur…) encore très perfectible des deux principales voies maritimes arctiques. À cela s’ajoutent d’autres contraintes de navigation comme la profondeur maximale de ces deux routes (limitée à 13 mètres au mieux). Et la fonte des glaces elle-même pourrait encore accroître les difficultés météorologiques (orages polaires).
Figure n°3 : Transport par cargo de la RMN entre 2013 et 2015 (en millions de tonnes)13Source : Discours de Viktor Olerskiy, Ministre des Transports de la Russie, à la conférence Arctic Circle 2015, https://vimeo.com/144170572
Les obstacles à la navigation dans la RMN sont ensuite commerciaux. Les conditions climatiques estivales génèrent beaucoup d’incertitudes, peu compatibles avec des exigences commerciales. Incertitudes liées tout d’abord à la variabilité interannuelle de la période d’ouverture des routes maritimes arctiques et à sa durée. Incertitudes liées ensuite à la présence de morceaux de glace sur les voies commerciales, ce qui peut conduire à ralentir la vitesse de navigation (d’autant que le brouillard est très présent l’été), voire à bloquer ou à dévier un navire. Cela réduira le type de marchandises (transport de vrac) susceptibles de pouvoir transiter par l’Arctique. L’imprévisibilité de l’état de la glace et des conditions météorologiques rendra difficile le recours aux routes polaires pour le transport « just-in-time ». De plus, l’absence de destinations secondaires (escales) limite l’attractivité commerciale des routes du nord. Rares sont en effet les bateaux parcourant d’aussi longues distances (au moins 12 000 km par les voies arctiques) sans s’arrêter dans plusieurs ports pour procéder à des phases de déchargement / chargement de marchandises.
Enfin, la navigation dans la RMN engendre de forts surcoûts. Au regard des risques de collision avec des glaces dérivantes, seuls des bateaux spéciaux et renforcés (bateau double coque, bateau double action((http://arctech.fi/ships/norilskiy-nickel/ ) devraient pouvoir circuler en Arctique, ce qui implique un investissement initial supérieur à celui que nécessite un bateau classique. Les bateaux devraient être également plus petits, pour à la fois avoir un tirant d’eau limité et être plus maniables. Les gains en distance (et donc en temps de transport) et en carburant que l’on pourrait espérer d’un trajet plus court par les voies arctiques devraient être annulés ou amoindris. En effet, la vitesse de navigation ne pourra qu’être réduite comparée aux routes maritimes classiques (certains blocs de glace affleurent à peine la surface et ne sont pas détectés par les radars, ce qui peut imposer un pilotage à vue à basse vitesse). Et ces bateaux spéciaux ont une hydrodynamique moindre que les cargos normaux, ce qui induit une surconsommation de carburant. À cela s’ajoutent l’élévation des primes d’assurance et la protection éventuelle contre les intempéries (et le froid) des marchandises et du bateau.
Au final, un armateur se retrouve ainsi avec un bateau plus cher à l’achat, plus petit, exposé à des risques plus élevés, et aux coûts d’exploitation supérieurs (équipage, assurance…) à ceux d’un bateau plus classique… Et les incertitudes relatives à la période d’ouverture des routes arctiques restreignent encore sa rentabilité potentielle.
En dépit du changement climatique, la route du Canal de Suez semble rester la favorite dans les décennies à venir pour le commerce international, sans compter la débauche de moyens déployés pour moderniser et augmenter ses capacités. En effet, l’argument de la distance est contrebalancé par d’autres considérations, les incertitudes qui pèsent sur la sécurité technique et commerciale étant incompatibles avec la logique des flux tendus qui opère dans le commerce maritime. En définitive, l’Arctique devrait être davantage une destination (desserte des populations locales, transport de matières premières extraites en Arctique) qu’un ensemble d’axes majeurs de transit maritime. Et ce n’est sans doute pas avant plusieurs décennies que les conséquences du réchauffement climatique auront significativement modifié les conditions physiques, et donc économiques, du transport circumpolaire (qui ne sera rentable que si les routes sont ouvertes plusieurs mois par an et de manière régulière).
Autres secteurs d’activités économiques en Arctique
D’autres secteurs économiques recouvrant des intérêts directs ou indirects pour la France seront développés dans les prochains bulletins de l’Observatoire (tourisme, câbles sous-marins, domaine spatial, minerais, pêche…). Certaines ressources pourraient avoir une importance considérable, à l’image des hydrates de méthane dans le domaine énergétique, mais dont l’exploitation potentielle dépasse largement l’horizon de la prospective stratégique.
Sélection d’enjeux à suivre, sujets à approfondir :
- Bilan des intérêts français déjà engagés dans l’exploitation de ressources naturelles en Arctique et la navigation
- Les obstacles tarifaires et non-tarifaires à la libre navigation dans les routes maritimes arctiques
- Perspectives d’exploitation des hydrocarbures (faisabilité technique, horizons de prix et de coûts…)
- Points sur les autres activités économiques (ressources minières, tourisme, ressources halieutiques…)
1. | ↑ | IPCC/GIEC, 5ème rapport d’évaluation, rapport du Groupe de travail II, chapitre 28 « Polar Regions », 2014, http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg2/WGIIAR5-Chap28_FINAL.pdf |
2. | ↑ | LASSERRE, F., (2001), « Le passage du Nord-Ouest : une route maritime en devenir ? », Revue internationale et stratégique, Paris, n° 42, p. 143. |
3. | ↑ | CNUCED – http://unctadstat.unctad.org/TableViewer/tableView.aspx?ReportId=32363 |
4. | ↑ | http://www.uscg.mil/hq/cg5/cg552/ice.asp |
5. | ↑ | http://www.arctic-lio.com/ |
6. | ↑ | http://www.arctic-lio.com/nsr_icebreakersassistance |
7. | ↑ | Source : Northern Sea Route Office Information http://www.arctic-lio.com/nsr_transits)
En revanche, le transit international de cargos a chuté de 1,3 million de t. en 2013 à moins de 0,1 million de t. en 2015, alors que plus de 340 millions de t. de marchandises ont transité en 2015 par le canal de Panama((http://www.pancanal.com/eng/op/transit-stats/ |
8. | ↑ | http://www.pancanal.com/eng/op/transit-stats/ et plus de 998 millions de t. par le canal de Suez, soit 17,483 navires((http://www.suezcanal.gov.eg/TRstat.aspx?reportId=3 |
9. | ↑ | http://www.suezcanal.gov.eg/TRstat.aspx?reportId=3. En 2013, 71 bateaux sont passés d’Asie en Europe par la route du Nord, contre 46 en 2012 et 41 en 2011((Selon la Northern Sea Route Office Information, http://www.arctic-lio.com/ |
10. | ↑ | Selon la Northern Sea Route Office Information, http://www.arctic-lio.com/, mais le trafic stagne à présent. Le pic observé au début des années 2010 dans le trafic total de la RMN ne permet pas de préjuger d’une tendance à long terme. Après quatre ans d’usage croissant de la RMN, 2014 a marqué une baisse, le montant de cargos en transit ayant diminué de 77% par rapport à l’année précédente((http://barentsobserver.com/en/arctic/2014/12/northern-sea-route-traffic-plummeted-16-12 |
11. | ↑ | http://barentsobserver.com/en/arctic/2014/12/northern-sea-route-traffic-plummeted-16-12.
À très long terme, une éventuelle disparition complète des glaces d’été ouvrirait des perspectives supplémentaires, grâce à un transit direct via le pôle Nord. Mais de nombreux obstacles qui ne seront pas surmontés avant plusieurs années, demeurent, et qui remettent en question l’affirmation selon laquelle les routes arctiques sont le plus court chemin de l’Asie à l’Europe. Tout d’abord, les gains en distance procurés par les deux routes maritimes arctiques sont d’autant plus notables que les ports de départ et de destination se situent au nord de l’hémisphère Nord. Une route Arctique permet de réduire d’un tiers la distance entre Londres et Yokohama, mais entre Marseille et Yokohama, le passage du Nord-Ouest ne sera qu’accessoirement plus court que la route passant par Suez et Malacca. Toutefois, la réduction de la distance n’est qu’un des éléments de choix d’un trajet maritime, et il existe des obstacles significatifs à la transformation de ces routes en axes commerciaux majeurs. Tout d’abord, l’environnement naturel demeurera extrême et incertain. La banquise arctique est réputée avoir disparu même lorsque que la glace représente jusqu’à 15 % d’une surface observée (par satellite)((http://www.arctic.noaa.gov/reportcard/sea_ice.html |
12. | ↑ | http://www.arctic.noaa.gov/reportcard/sea_ice.html. Une route maritime ouverte peut ainsi encore contenir des blocs de glace (notamment des « growler », d’une grande dureté) présentant un danger pour la navigation. Une voie de passage peut également être bloquée, ou son accès ralenti, par un amoncellement de glaces dérivantes porté par des courants ou des vents. La capacité des gros navires à manœuvrer sera également limitée par une cartographie (récifs, profondeur…) encore très perfectible des deux principales voies maritimes arctiques. À cela s’ajoutent d’autres contraintes de navigation comme la profondeur maximale de ces deux routes (limitée à 13 mètres au mieux). Et la fonte des glaces elle-même pourrait encore accroître les difficultés météorologiques (orages polaires).
Figure n°3 : Transport par cargo de la RMN entre 2013 et 2015 (en millions de tonnes)((Source : Discours de Viktor Olerskiy, Ministre des Transports de la Russie, à la conférence Arctic Circle 2015, https://vimeo.com/144170572 |
13. | ↑ | Source : Discours de Viktor Olerskiy, Ministre des Transports de la Russie, à la conférence Arctic Circle 2015, https://vimeo.com/144170572
Les obstacles à la navigation dans la RMN sont ensuite commerciaux. Les conditions climatiques estivales génèrent beaucoup d’incertitudes, peu compatibles avec des exigences commerciales. Incertitudes liées tout d’abord à la variabilité interannuelle de la période d’ouverture des routes maritimes arctiques et à sa durée. Incertitudes liées ensuite à la présence de morceaux de glace sur les voies commerciales, ce qui peut conduire à ralentir la vitesse de navigation (d’autant que le brouillard est très présent l’été), voire à bloquer ou à dévier un navire. Cela réduira le type de marchandises (transport de vrac) susceptibles de pouvoir transiter par l’Arctique. L’imprévisibilité de l’état de la glace et des conditions météorologiques rendra difficile le recours aux routes polaires pour le transport « just-in-time ». De plus, l’absence de destinations secondaires (escales) limite l’attractivité commerciale des routes du nord. Rares sont en effet les bateaux parcourant d’aussi longues distances (au moins 12 000 km par les voies arctiques) sans s’arrêter dans plusieurs ports pour procéder à des phases de déchargement / chargement de marchandises. Enfin, la navigation dans la RMN engendre de forts surcoûts. Au regard des risques de collision avec des glaces dérivantes, seuls des bateaux spéciaux et renforcés (bateau double coque, bateau double action((http://arctech.fi/ships/norilskiy-nickel/ |